Dans la première partie de ce chapitre, nous allons à caractériser des images
reconstruites à partir de sinogrammes de nature différente (en terme de nombre
de coups). Nous allons limiter notre étude à 5 types de reconstruction (Par.11.2.1).
Les images seront comparées au moyen de Figures de Mérites (FdM) calculées
sur chaque image reconstruite (Par.11.2.2). Chaque méthode de reconstruction,
analytique ou algébrique, nécessite le choix de paramètres qu'il faut fixer
avant reconstruction. Le choix de ces paramètres est délicat surtout pour la
reconstruction algébrique, c'est pourquoi, nous étudierons plus en détail le
choix du couple
inhérent à la méthode de reconstruction
algébrique envisagée (Par.11.2.3).
Afin de restreindre encore notre étude, nous n'allons considérer que 3 niveaux
de bruit représentatifs. Nous envisageons donc les sinogrammes calculés ou réels
correspondant à 60 () , 100 (
), 260 (
)
Millions de coups. Ces sinogrammes étant incomplets, nous allons effectuer au
préalable une reconstruction 2D par rétroprojection des données filtrées du
premier segment de chaque sinogramme. Ce segment acquis suivant la direction
transaxiale nous fournit un jeu de projections complet (au sens des conditions
d'Orlov). Le volume obtenu sera ensuite reprojeté de façon à estimer les vues
manquantes dans les sinogrammes initiaux. Nous envisageons alors 5 méthodes
pour reconstruire ces sinogrammes.
Rappelons que nous avons introduit Ch.6 Par.6.4.1 un
concept de région. Dans ce paragraphe, on donnait également la définition du
fantôme d'Hoffman que nous allons réutiliser. Ce fantôme contient deux classes
correspondant respectivement à la matière grise (notée ) et à la matière
blanche (notée
). Nous allons associer à chacune de ces deux classes
une région sur laquelle va se baser le calcul des FdMs utilisées.
Nous généralisons au cas 3D, les Figures de Mérite définies par Chan en 2D [16].
Elles sont au nombre de 6:
Lorsque nous avons décrit la méthode de reconstruction algébrique par gradient
conjugué, nous avons défini 2 paramètres
(Ch.9).
Pour effectuer une reconstruction algébrique, il faut au préalable fixer les
valeurs de ces deux paramètres. Pour cela, il faut comprendre le rôle particulier
joué par chacun ainsi que leur interaction.
correspond à un paramètre de lissage qui contrôle l'influence
du terme représentant l'a priori
par rapport
au poids accordé aux données
. Il joue un rôle analogue à celui
de la fréquence de coupure lors d'une reconstruction standard. Il faut savoir
que
dépend du nombre de voisins envisagés. En effet,
représente une somme pondérée sur l'ensemble des cliques définies par le voisinage.
Autrement dit, si le nombre de voisins est changé entre deux reconstructions
d'un même sinogramme, le poids de
vis à vis de
sera
changé. Si nous trouvons une valeur de
optimale pour un
système de voisinage ayant 8 voisins par site, il faut envisager le paramètre
si on ne considère plus que 6 voisins
par site. Nous donnons Fig.11.1.a b et c les reconstructions
issues d'un même sinogramme réel (
)10.1 pour des valeurs croissantes du paramètre
.
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|
Le paramètre est utilisé pour normaliser le calcul des gradients
nécessaires à l'estimation des discontinuités. Rappelons
qu'une discontinuité correspond à une forte valeur du gradient alors que le
bruit correspond à de faibles variations de celui-ci. Autrement dit, la grandeur
permet de distinguer le bruit du signal. Il s'agit d'une sorte
de seuil qui dépend évidemment du bruit présent sur l'image. Pour l'opérateur
différentiel de premier ordre, il dépend de l'écart entre les valeurs
et
de deux voxels adjacents. Si cet écart est nul, les deux
voxels appartiennent à une même région et il faut lisser dans la direction joignant
ces deux voxels (
). Si cet écart est grand par
rapport à
, nous sommes en présence d'une discontinuité (
).
Ceci est illustré schématiquement sur la Fig.11.2. Nous posons
un volume émetteur dont un profil est assimilé à une fonction porte. La hauteur
de l'échelon et donc de la discontinuité vaut
. Le profil
est dégradé par un bruit dont les variations sont de l'ordre de grandeur de
(Fig.11.2.a). La forme de la fonction de
pondération est fixée par les conditions du théorème de Geman et Reynolds étendu
(Ch.9.Eq.9.6). Elle présente un point
d'inflexion
important (Fig.11.2.b). Le rôle du paramètre
est de ramener les variations liées au bruit
en amont de ce point d'inflexion et celles liées au signal (
)
en aval.
[Variations du signal liées au bruit ou à un échelon.]
|
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|
Afin de mieux apprécier les différences induites sur les reconstructions par
le choix de ces deux paramètres, une simulation a été réalisée. Pour celle-ci,
nous utilisons le fantôme d'Hoffman numérique présentant les caractéristiques
indiquées Tab.11.2. Les valeurs des classes sont choisies
arbitrairement pour présenter le meilleur contraste entre elles. Le fantôme
comprend
voxels dont les dimensions sont
.
Ce fantôme comporte autant de plans qu'il y a de sections de plexiglas dans
le fantôme physique utilisé pour les acquisitions.
|
Partant de ce fantôme, on construit un sinogramme complet par:
[Echelle de couleurs de 0 (gauche) à 1 (droite)]
[
[ |
Le résultat essentiel que l'on peut tirer de cette simulation, est la lente variation des valeurs des FdMs en fonction des variations du couple de paramètres.
Ainsi, si nous savons qu'un couple
fournit une reconstruction
de bonne qualité, le fait de choisir un couple légèrement différent n'affectera
pas de manière significative la qualité de la reconstruction. Cette relative
régularité nous permet de choisir un couple
de manière
beaucoup plus souple. D'autre part, les abaques Fig.11.4
mettent en évidence une corrélation entre les deux paramètres. Lorsqu'on augmente
le facteur de lissage
, il est nécessaire de diminuer le facteur
marquant la hauteur des discontinuités
. En effet, lorsque le
facteur de lissage augmente, les images prennent un aspect plus lisse. Cet aspect
traduit le fait que deux voxels adjacents dans l'image sont fortement corrélés.
Autrement dit, l'écart de valeur entre ces deux voxels et donc le gradient s'en
trouve diminué. Il en va de même pour les discontinuités qui ne présentent plus
alors un aspect aussi franc. C'est pourquoi, le paramètre
traduisant
justement cette différence de valeurs entre deux voxels adjacents doit être
diminué. Si sur l'abaque représentant la FdM moyenne (Fig.11.4.g)
nous réalisons un ajustement pour les valeurs de FdM dépassant 0.7 (les FdM
sont égales à 1 si la reconstruction était parfaite), nous obtenons la loi empirique
suivante:
Il faut retenir que conditionne l'amplitude des signaux
que l'on veut préserver.
S'il existe sur l'image une petite élévation du signal pour un groupe de voxels
de l'ordre de
, ce signal sera considéré de la part de la
reconstruction comme une manifestation du bruit. Autrement dit, par le choix
de la constante
nous introduisons une information a priori dans
notre reconstruction. La constante
nous fixe bien la hauteur
des discontinuités, i.e l'amplitude de l'échelon de signal que la reconstruction
va considérer et préserver.
Au niveau de la première itération (première minimisation des équations normales),
l'algorithme de reconstruction algébrique par minimisation alternée implémenté
(si nous utilisons une image uniforme pour l'initialisation de notre volume)
conduit à une carte des discontinuités uniforme, égale à 1. La régularisation
correspond alors à un Laplacien non pondéré qui lisse de manière homogène le
volume. Elle s'effectue par plan puisque nous travaillons avec un voisinage
2D à 8-connexité. Ce lissage induit une corrélation entre deux voxels adjacents
d'autant plus forte que le paramètre est élevé.
Supposons que le volume à reconstruire ne soit que du bruit. Plus particulièrement,
dans un plan de notre volume, supposons l'hypothèse pour laquelle
la distribution d'activité
est la réalisation d'une fonction aléatoire
où
représente une distribution gaussienne de bruit telle
que:
A la deuxième itération, nous allons chercher à estimer, sur cette image de
bruit, les écarts de valeur (ou gradients) suivant les directions et
. Pour caractériser la distribution de ces gradients, on pose une fonction
aléatoire
. Sous l'hypothèse
(l'image n'est que du bruit), cette fonction aléatoire est gaussienne
(somme de deux fonctions aléatoires gaussiennes). Sa moyenne est nulle et sa
variance est telle que:
Sur toute image et dans le cas d'un voisinage basé sur une 4-connexité, nous
estimons les gradients et
au cours des itérations.
Ils correspondent sous l'hypothèse
à une réalisation
de
et
de
. En effet,
compte tenu du voisinage envisagé, les écarts
et
sont
restreints aux valeurs
. On peut voir le rôle de la fonction de
pondération comme une règle de décision pour rejeter l'hypothèse
quand l'écart mesuré sur l'image i.e. la statistique
est de probabilité trop faible. Une valeur improbable étant vraisemblablement
le reflet d'une discontinuité. Cherchons donc à estimer la probabilité
d'observer un écart de valeurs supérieur à un seuil
. La loi
de probabilité de
étant gaussienne, on trouve aisément cette probabilité:
Afin de comparer les différentes méthodes de reconstruction entre elles, nous allons chercher à estimer les FdMs sur les reconstructions pour des sinogrammes calculés puis réels. Pour les sinogrammes calculés, nous utiliserons le modèle de bruit que nous avons développé dans la première partie de cette thèse. Pour les sinogrammes réels, nous reprendrons certains des sinogrammes utilisés pour l'établissement de notre modèle de Bruit (Ch.6).
Tous les volumes reconstruits présentent les dimensions fournies en standard
par la caméra ECAT HR+. Il s'agit de volumes comprenant
voxels de
.
Lorsque nous envisageons une reconstruction par rétroprojection, nous utilisons
une fréquence de coupure normalisée pour le filtre d'apodisation suivant le
plan transaxial telle que
. Du fait de l'utilisation des FFT
et de la taille des voxels utilisés, cela conduit à une fréquence
.
Nous utilisons suivant la direction axiale une fréquence de coupure normalisée
.
Les paramètres pour la reconstruction sont choisis en accord avec les observations
que nous avons explicitées Par.11.2.3. Les paramètres sont
donc
pour
,
pour
,
pour
.
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|
|
Les algorithmes de rebinning FORE comme FOSA conduisent à des images qui sont
plus bruitées (la variance est plus élevée). Cette variance plus élevée est
certainement le reflet des interpolations dans l'espace de Fourier. Elles sont
obligatoires pour les deux algorithmes. De surcroît pour l'algorithme FORE,
elle provient certainement de l'approximation supplémentaire liée à l'usage
du théorème de phase stationnaire. Cette augmentation de la variance se traduit
par une baisse de rapport . D'autre part, les reconstructions standard
effectuées après rebinning conduisent en général à des Figures de Mérite moins
bonnes que dans le cas de la reconstruction par rétroprojection 3D. Cette perte
de performance peut toutefois être compensée par les performances accrues de
la reconstruction algébrique.
La reconstruction par gradient conjugué conduit à des images présentant un aspect
totalement différent des images par reconstruction standard. Les images semblent
en effet par endroits beaucoup plus lisses. Cette impression conduit à penser
de prime abord à une résolution spatiale dégradée. En fait, il n'en est rien
puisque les contours de l'image sont préservés. Nous avons donc bien un lissage
adaptatif de nos images en fonction du signal présent. Autrement dit, par ce
genre de reconstruction, la contrainte effectue un lissage anisotropique
des images lors de la reconstruction.
D'une manière générale, le volume de la substance blanche est toujours surestimé,
alors que le volume de la substance grise est toujours sous-estimé. Cela s'explique
fort bien par la présence d'un lissage. En effet, la substance blanche correspond
à une classe dont l'intensité est comprise entre celle du fond et celle de la
substance grise. Si on filtre l'image, donc en la lissant, on va propager de
l'information de la substance grise vers la substance blanche et le fond. Pour
ces valeurs propagées, l'intensité est forcément plus basse que celle de la
substance grise. Cela peut conduire à des voxels dont la valeur est comprise
dans la fourchette d'intensité de la substance blanche (
).
On augmente ainsi le nombre de voxels décomptés dans cette région et on diminue
le nombre de voxels décomptés dans la substance grise. Ce problème vient de
la définition de nos régions par un simple seuillage suivi d'une opération analogue
à une érosion. Cette méthode de segmentation est certes trop rudimentaire! En
revanche, la notion de région introduite suffit à mettre en évidence la propension
de la reconstruction algébrique à mieux délimiter des régions homogènes. Elle
confirme ce que nous pouvons constater visuellement sur les Fig.11.7,
Fig.11.8 et Fig.11.9. Les volumes sont mieux
estimés, nous conduisant évidemment à une augmentation des FdMs associées.
Nous effectuons les mêmes séries de mesures sur des sinogrammes réels présentant
les mêmes nombres de coups que précédemment. Nous donnons sur la Fig.11.10
une illustration pour un plan transaxial situé à mi hauteur du champ de vue
de la caméra les résultats des différentes reconstructions envisagées. Ces reconstructions
proviennent toutes d'un sinogramme réel et correspondant à une acquisition ayant
collecté 60M de coups. Nous donnons Tab.11.6 les Figures
de Mérite correspondant à ce sinogramme. De la même manière, nous donnons Fig.11.11
et Tab.11.7 (respectivement Fig.11.12 et
Tab.11.8) les reconstructions et les FdMs obtenus pur une
acquisition ayant collectée 100M de coups (respectivement 260M).
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Les très faibles valeurs observées pour la précision à retrouver le volume de la substance blanche attirent immédiatement l'attention. Une valeur nulle ou négative revient à dire que la reconstruction conduit à une région blanche dont le volume est plus du double de celui mesuré dans le volume de référence. C'est certainement la conjonction de plusieurs facteurs qui justifie d'aussi faibles valeurs.
La comparaison entre les images issues de sinogrammes calculés avec celles provenant de sinogrammes réels met en évidence des limitations sur le modèle de bruit.